Il se tient debout sur un rocher,
à respirer à plein poumons l'air salin et savourant comme si c'était la
dernière fois le spectacle qui s'offrait à lui.
Son visage grave est fouetté par le vent et la pluie, mais il reste
imperturbable. Parfois, il entend le cri d'une mouette et il se
souvient que c'est sa condition humaine qui le retient de se noyer dans
cette beauté.
Il baisse le menton, cède devant l'impétuosité invincible des
éléments. Il tourne le dos et regagne sa demeure. Souvent, il prend la
plume et la laisse courir sur du papier blanc. Seul le vent lui confie
ses secrets. Et lui seul possède l'oreille capable de les écouter.
Il est l'étranger de ce monde, il est l'intrus de son corps. Bien
trop grave, bien trop grand pour son jeune âge, c'est comme s'il
supportait toutes les angoisses des hommes sur ses frêles épaules.
La tempête fait rage au dehors. Cloîtré dans une salle, il se laisse
envoûter par la beauté des lettres. Tous ses poèmes vont à une femme.
Aux femmes. Il aimerait que l'une d'entre elles saisisse la détresse et
l'espoir que dissimulent ces ombres noires.
Le vent cingle les fenêtres. Une douce plainte monte de ses lèvres
entrouvertes. Il fait si froid. Les arbres ploient devant ce seigneur
impitoyable. Il fait si froid.
Le regard des autres ne voit qu'un rêveur, qu'un garçon effacé, qu'une silhouette bien trop éloignée.
Il marche seul, dans les rues, alors que les ténèbres pèsent de tout
leur poids sur sa tête courbée. Il serre contre lui ses pages
souillées, pleines de pluie. Qui apercevrait ce petit homme seul dans
la nuit ?
Une ruelle. Trois anonymes. Un rayon de lumière qui le frappe au visage. Il est tout aveuglé. Lui, la rue, elle.
Son corps contre le sien, la chaleur de sa peau, la fragrance de ce
parfum si doux, ses émeraudes à l'éclat violent, le rose de ses joues,
le rouge de ses lèvres. La tendresse de sa paume qui se retient à la
sienne, tandis que tombent sans un bruit les feuilles ternies dans un
miroir d'eau…
Des murmures, des excuses, des paroles qui s'envolent comme ces mots qui meurent, noyés dans l'abîme…
Il reste immobile, à contempler cette vie qui s'évanouit, comme
cette lumière qui vacille et qui s'éteint, englouti par l'obscurité.
Le vent à jamais s'est tu et son cœur sera toujours embaumé de ce tendre parfum étranger…
Jaina D'Arcy.